George Psalmanazar : L’incroyable imposture du faux Formosan

 George Psalmanazar : L’incroyable imposture du faux Formosan

George Psalmanazar, un personnage mystérieux et mythomane du XVIIIe siècle, est resté dans les annales de l’histoire pour avoir inventé l’une des plus grandes supercheries littéraires de son temps. Né en 1679, dans des circonstances inconnues et sans véritable identité — son nom de naissance reste un mystère — il est surtout célèbre pour avoir convaincu l'Europe qu'il était originaire de l'île exotique de Formose (l'actuelle Taïwan). Son œuvre principale, Description historique et géographique de l’île de Formose, publiée en 1704, fut considérée comme une référence authentique sur une terre presque inconnue pour les Européens. Pourtant, ce livre et tout ce qu’il y racontait n’étaient que le fruit de l’imagination fertile d’un mythomane talentueux.

L’invention d’un « Formosan »

Lorsque George Psalmanazar apparaît pour la première fois en Europe, il se présente comme le tout premier natif de Formose à visiter le continent. À cette époque, peu de gens connaissaient cette île asiatique, ce qui ouvrait la voie à toutes sortes de spéculations et de mystifications. Psalmanazar saisit cette opportunité et, avec une assurance remarquable, se fait passer pour un expert de cette région mystérieuse.

En 1704, il publie son célèbre livre Description historique et géographique de l’île de Formose, un ouvrage détaillant les coutumes, la langue, les croyances religieuses et la culture de son prétendu pays d’origine. Il invente un alphabet formosan, une grammaire, et un lexique complet pour rendre son récit plus crédible. Le livre décrit également des pratiques exotiques et barbares, comme le sacrifice annuel de jeunes garçons, ou des mœurs alimentaires étranges, telles que la consommation de viande crue. Son récit fascine les lecteurs, car il nourrit leur soif d’exotisme et de curiosité pour des terres lointaines.

Le succès d’un mensonge bien ficelé

Malgré l’énormité des mensonges contenus dans son livre, Psalmanazar rencontre un succès retentissant. L’Europe du XVIIIe siècle, avide de nouvelles découvertes, accueille ses récits avec enthousiasme. Le livre est rapidement traduit en français et en allemand, et devient une source d'autorité sur l'île de Formose. Les lecteurs européens, peu familiers avec les vérités géographiques de l’Asie, sont séduits par cette peinture d’une terre à la fois mystérieuse et exotique.

Invité dans des sociétés savantes prestigieuses et des universités, Psalmanazar donne des conférences et des cours où il continue de décrire avec aplomb les mœurs fictives de son île natale. Même certains membres du clergé et des érudits influents croient à son histoire et soutiennent ses écrits.

L'un des aspects les plus étonnants de cette imposture est que Psalmanazar, qui était en réalité un Européen de souche (probablement français ou flamand), jouait parfaitement le rôle d'un « Formosan ». Il allait jusqu’à se nourrir de viande crue en public et affirmait être habitué aux longues nuits sans sommeil, se distinguant ainsi par des comportements qu’il décrivait comme typiquement formosans.

Le début de la fin : l’aveu de la supercherie

Le succès de George Psalmanazar n’était cependant pas sans critiques. Des esprits sceptiques commencent à mettre en doute la véracité de ses récits. En 1706, Psalmanazar, probablement acculé par ces doutes croissants, finit par avouer que tout son récit n’était qu’une pure invention. Il admet que non seulement il n’est jamais allé à Formose, mais qu’il n’a même jamais mis les pieds en Asie. Il dévoile ainsi la vérité : son livre était une œuvre de fiction totale, basée uniquement sur son imagination et son talent pour le mensonge.

Après ses aveux, George Psalmanazar mène une vie plus humble et se consacre à l’étude théologique et à la religion. Il devient même un apologiste chrétien reconnu dans certains cercles intellectuels, et continue à écrire, mais sur des sujets beaucoup plus conventionnels et pieux.

L’héritage de Psalmanazar : une leçon de crédulité

L’histoire de George Psalmanazar nous rappelle l’incroyable pouvoir de l’imagination humaine et les dangers de la crédulité. Son imposture souligne la fascination des Européens pour les terres inconnues et l’attrait que suscite l’exotisme, même au prix de la vérité. Son livre, malgré ses mensonges flagrants, est resté une référence pendant une grande partie du XVIIIe siècle avant que la supercherie ne soit pleinement reconnue.

Il est fascinant de constater à quel point un seul homme a pu, grâce à un récit inventé de toutes pièces, tromper des érudits, des religieux et des intellectuels pendant plusieurs années. George Psalmanazar n'était peut-être pas un véritable natif de Formose, mais il était certainement un maître dans l’art de la mystification.

Son cas est un exemple marquant de l'époque où l’information vérifiable était rare, et où la curiosité humaine, couplée à un désir de découverte, pouvait conduire à des erreurs monumentales. Psalmanazar restera dans l’histoire non pas comme un explorateur, mais comme l’un des plus grands mythomanes du siècle des Lumières, capable de duper les esprits les plus brillants de son temps.